La figure du Christ, ou l’apparence physique de Jésus
Comment peindre la figure du Christ ? L’exposition du Louvre, Rembrandt et la figure du Christ (avril -juillet 2011), posait cette intéressante question. Les Ecritures ne donnent en effet aucune description du physique de Jésus. Le Christ pâle, nimbé chevelu et mélancolique des artistes de la Chrétienté n’a rien à voir avec le Jésus de la Bible. La réponse s’appuie ici sur l’exemple de Rembrandt, qui plus d’une fois, s’est essayé à cet exercice, bouleversant les codes de représentation de la figure mystique du Christ. Parcours dans les textes et les salles du musée. Des Christ entre méditation et émotion.
Le Christ se révélant aux pèlerins d'Emmaüs inv 1739
REMBRANDT Harmensz. van Rijn, vers 1648 Un des sujets chers à l'artiste, rivalisant ici avec les grands Vénitiens du XVIe siècle (Titien, Véronèse) mais avec l'intériorité et l'humanité propres à Rembrandt, poète des bruns chaleureux et des ombres profondes et vivantes. Rembrandt mêle dans ce tableau les allusions à l’église primitive (l’architecture évoque les basiliques paléochrétiennes) comme à d’autres peintres (la grande niche pourrait être une composition de Titien).
Rembrandt, mort à Amsterdam en 1669, est un lecteur assidu de la Bible. Dans sa quête de renouveau des images chrétiennes, ce peintre protestant rejette la majesté prévisible d’un Christ traditionnel. Il s’intéresse à la figure en tant que telle, mais aussi à sa perception. En toile de fond de ses œuvres, il y a aussi la célèbre tolérance religieuse de la Hollande du XVII ème siècle.
Symphonie de lumière, naturelle et divine, l’œuvre est tout en nuances. Couleurs iridescentes de la tunique du Christ, gradation des sentiments des fidèles qui reconnaissent le ressuscité. Non seulement la figure du Christ a dû être peinte d’après un modèle vivant mais il semblerait que les pèlerins entourant Jésus l’aient aussi été. L’esquisse (huile sur panneau, Avram Sabam) correspond au pèlerin visible à droite, vu sous un angle différent. C’est la première fois que les deux tableaux étaient présentés ensemble.

Mais est-il possible de peindre le Christ d’après nature ? La vision en ombre chinoise du Christ dans le tableau des Pèlerins d’Emmaüs pose le problème : l’ombre suggère le mystère de la résurrection de Jésus, tout en affirmant qu’il n’y a pas d’évidence des traits du Christ. Comment représenter Jésus après la résurrection ? Comment le montrer à des hommes qui ne reconnaissent pas ?
Les Pèlerins d’Emmaüs, MJAP-P 848 Rembrandt , Vers 1629 Huile sur papier marouflé sur bois Musée Jacquemart-André, Paris Dans cette composition, le jeune Rembrandt (23 ans) utilise un contre-jour violent pour mettre en valeur la figure du Christ, son mystère. L’ombre qui enveloppe le personnage se révélant aux pèlerins (l’un d’eux, au premier plan, est tombé de sa chaise) laisse toute latitude au spectateur de s’interroger sur les traits du Christ.
Plongé dans le passé biblique, proximité avec la communauté juive, il paraît logique que le peintre multiplie les représentations du Christ, tout en produisant des portraits des membres de la communauté juive d’Amsterdam. Fuyant l’Inquisition, ces réfugiés venant de la péninsule ibérique et d’Europe centrale trouvèrent refuge dans la cité portuaire et s’y intégrèrent complètement dès 1630. Les juifs se mêlèrent en même temps aux chrétiens réformés, dans un climat de grande tolérance. Cette intégration singulière du peuple juif coïncide avec la vie de Rembrandt (1606-1669) et n’est donc pas étrangère à la tournure que prend son œuvre.
Le Christ se révélant aux pèlerins d'Emmaüs inv 1739
vers 1629 < Détail visage
Tête du Christ >
Attribué à Rembrandt, vers 1648
Détroit Institute of Arts, Exposition temporaire 2011
Les années 1640 voient Rembrandt tâtonner dans la recherche d’un Christ véridique. La multiplicité des œuvres reflète l’éventail des possibilités explorées : Christ robuste, ascète, diaphane presque fantomatique, familier jeune et bien vivant, sépulcral. Peintes en atelier, d’après un modèle (juif ?)pris sur le vif, ses œuvres cassent l’image sacrée. Il n’y a pas une mais des figures du Christ. On est loin des Christ de gloire, idéalisés, de Rubens ou de la renaissance italienne.
Rembrandt fut à l’origine d’une nouvelle représentation christique, une peinture d’après nature.
Les Écritures ne donnent
aucune description du physique de Jésus.
La figure du Christ,
juvénile au départ, vieillit de siècle en siècle, comme le christianisme lui-même
Le témoignage de l’histoire profane sur l’apparence de Jésus est influencé par différents facteurs ; ce qui explique les différences considérables que l’on note dans les représentations artistiques de sa personne. Citons la culture du pays, l’époque et les croyances religieuses de l’artiste.
Le Christ à la colonne RF 1992-10 ANTONELLO DA MESSINA
Vers 1476 -
Denon 1er étage Grande Galerie salle 5 <
Les Pèlerins d'Emmaüs inv 146
Vers 1559
Véronèse entend mettre l'accent sur l'humanité du Christ et introduire le sacré dans la vie quotidienne.
Avant l’empereur romain Constantin (350 nè), on représentait souvent Jésus sous les traits d’un ‘bon pasteur’. Ce thème se retrouve chez les Grecs de la période archaïque et jusque dans l’art égyptien. Il devient ici le symbole du fidèle protecteur du troupeau chrétien. Cette influence païenne s’est renforcée avec le temps. Dans un mausolée découvert à Rome sous la basilique Saint-Pierre, Jésus apparaît sous les traits d’Apollon conduisant dans le ciel son char de feu. Cette image de Jésus cadrait bien avec les divinités familières du monde méditerranéen, Hélios (Apollon), le dieu-soleil - dont il hérita plus tard du nimbe, ainsi que les “ saints ” après lui-, et son pendant latinisé d’Orient, Sol invictus (le Soleil invaincu).
Jésus guérissant le paralytique de Bethesda RF 1961-81 Giandomenico TIEPOLO
Venise, vers 1727 Sully 2ème étage salle C
détail du visage du Christ
La Tentation du Christ
MI 285
Ary SCHEFFER vers1795
Seul le visage du Christ, tout emprunt d'une douceur métaphysique, n'a jamais été retouché par le peintre.
La figure du Christ, juvénile au départ, vieillit de siècle en siècle, comme le christianisme lui-même. Un texte du XIIIe siècle qui se veut être une lettre d’un certain Publius Lentulus au sénat romain fait une description de l’apparence physique de Jésus : il avait « jusqu’au niveau des oreilles les cheveux lisses et couleur noisette immature. Il avait la raie au milieu et une barbe un peu pointue sur le menton.” Ce portrait fantaisiste influença de nombreux artistes. “ Chaque période se créait le Christ qu’elle souhaitait.»
Le Christ bénissant < inv 265 Carlo DOLCI
Florence, vers 1600
Le Christ au roseau > dit aussi Ecce Homo
Inv 528 Guido RENI Vers 1639
Alors à quoi ressemblait Jésus ? Avait-il des cheveux longs ? Seuls les naziréens ne devaient pas se faire couper les cheveux ni boire de vin ; ce qui n’était pas le cas de Jésus (Nombres 6:2-7 ; Jean 2:1-11) Ses ancêtres et sa mère Marie étant descendants d’Hébreux, Jésus avait probablement le faciès juif, avec des traits de type sémite. Il portait de toute évidence la barbe, coutume strictement suivie par les juifs ; on aurait pu lui reprocher sinon d’être un eunuque ou Romain. Détail révélateur, une prophétie relative aux souffrances du Christ dit : « J’ai livré mes joues à ceux qui arrachent mes poils. » - Isaïe 50:6
« Tu es vraiment plus beau que les fils des hommes. Le charme a été répandu sur tes lèvres. » Psaume 45:2
Les Écritures ne donnent aucune description du physique de Jésus. Elle ne nous dit rien sur la couleur de ses cheveux ou de ses yeux, ni sur sa taille, son poids ou d’autres particularités physiques. Ce ne sont là que détails insignifiants. Il passait facilement inaperçu dans une foule ; Il put ainsi se rendre à Jérusalem en secret sans être reconnu (Jean 7:10 ; Marc 14:44). C’était sans nul doute un bel homme, viril et vigoureux, car contrairement à la tradition, la Bible ne présente pas Jésus comme un homme frêle ou efféminé (Luc 2 :52). Jésus lui-même, le modèle par excellence du chrétien, n’attachait pas d’importance à » l’apparence des hommes » - Matthieu 22:16
« Enseignant, nous savons que tu ne regardes pas à l’apparence des hommes. » Matthieu 22:16
Les artistes de la chrétienté qui ont peint l’homme Jésus Christ étaient sans aucun doute très loin de la réalité. En le comparant aux rois de sa lignée, David, roi de Jérusalem s’est exclamé : « Tu es vraiment plus beau que les fils des hommes. Le charme a été répandu sur tes lèvres. » (Psaume 45:2). Cette beauté ne dépendrait pas des traits de son visage mais de ce qui sortirait de ses lèvres. Et si la Bible est muette quant à son apparence physique, Il est plus important de savoir quel genre de personne il était, et d’observer tout ce qu’il a commandé. – Matthieu 28:20