Déportation, génocide et survie de la Parole
Moïse, Esther, Antiochos IV, Néron. Quatre noms, quatre périodes de l’histoire biblique marquées par des tentatives de génocide. Marquées aussi par la survie de la Parole. Quand la rédaction de la Bible a commencé, Israël n’était qu’une nation mineure parmi les nombreux peuples du Moyen-Orient. Et les Hébreux ne furent pas les seuls à composer des ouvrages religieux. Tous ces écrits n’ont cependant pas eu la même destinée ; alors que la majorité d’entre eux est aujourd’hui oubliée, le seul fait que la Bible hébraïque ait survécu lui donne un caractère exceptionnel. Les communautés dont elle est issue ont subi des épreuves si sévères que sa survie est remarquable. L’Histoire fait état de plusieurs tentatives de génocide et de déportation dirigés contre les Israélites, ces gardiens de la Parole. Parcours dans les salles du musée.

Moïse sauvé des eaux R.F. 3790 Nicolas de LARGILLIERRE Paris, 1728 Sully 2è salle 34. Les figures féminines en costume contemporain et la présence de chiens de compagnie confèrent à ce thème biblique une grâce un peu légère.
Moïse sauvé des eaux OA 5705 Seconde tenture de l'Histoire de Moïse Laine, soie, or D'après Nicolas POUSSIN Paris 1685 Manufacture des Gobelins
Aux jours de Moïse, Pharaon ordonna que l’on mette à mort tous les nouveau-nés israélites de sexe masculin. Contre l'ordre de son père qui a ordonné la mort de tous les enfants mâles hébreux, la fille de Pharaon prend pitié du jeune Moïse, découvert dans une corbeille flottant sur le Nil. Si cet ordre avait été exécuté, le peuple hébreu aurait disparu. Exode 1:15
Moïse sauvé des eaux RF 3937 Niccolò dell'ABATE Modène, 1509 ou 1512 Denon Grande Galerie salle 8
Moïse sauvé des eaux inv 4527 Charles de LA FOSSE Paris, 1701 Sully 2ème étage salle 35 Avec son coloris doré d'inspiration vénitienne et la grâce raffinée de ses figures, ce tableau témoigne de la détente qui infléchit l'art à la fin du règne de Louis XIV.

Alors que les hébreux étaient divisés en deux royaumes, l’Assyrie vint quasiment rayer de la carte le royaume du Nord. Les Babyloniens détruisirent par la suite celui du Sud et déportèrent le peuple, dont seul un reste revint 70 ans plus tard. La Bible rapporte ces déplacements forcés de populations vaincues. Tiglath-Pileser III emmena ainsi les habitants de « Galaad, de la Galilée, tout le pays de Napthali en exil en Assyrie » (2 Rois 15:29). Appelé aussi ‘Poul’, c’est le premier roi assyrien dont la Bible mentionne le nom. Il fera une incursion dans le royaume d’Israël sous le règne de Menahem, avant que celui-ci ne paye un tribut de mille talents pour qu’il se retire. - 2 Rois 15:19,20.
« Le Pharaon ordonna à tout son peuple : « Jetez dans le Nil tout garçon hébreu nouveau-né ! Ne laissez en vie que les filles ! » Exode 1:22
« Haman dit au roi Xerxès : « Il existe un peuple particulier (…) Veuille donner par écrit l'ordre de les exterminer. » Esther 3:8-9
Son successeur, Salmanasar V, « monta [aussi] contre tout le pays » et mit le siège devant sa capitale, Samarie. Il semble néanmoins que c’est Sargon II qui tira profit de cette victoire. La Bible dit que le roi d’Assyrie « conduisit Israël en exil ; il les fit habiter dans Halah et dans Habor et dans les villes des Mèdes » (2 Rois 17:5,6). Les annales de Sargon mentionnent la déportation de 27 290 Israélites. C’est peut-être ce roi qui « fit venir [des gens] de Babylone, de Koutha […] et les fit habiter dans les villes de Samarie à la place des fils d’Israël. » - 2 Rois 17:24.
Des siècles plus tard, à l'époque d'Esther, lorsque les Juifs passèrent sous la domination perse, leurs adversaires tramèrent la promulgation d’une loi destinée à les exterminer. « Haman dit au roi Xerxès : « Majesté, il existe un peuple particulier (…) Veuille donner par écrit l'ordre de les exterminer. » (Esther 3:1-15). Aujourd’hui encore, la fête juive des Pourims commémore l’échec de ce complot.
L’Evanouissement d’Esther inv 8216 Jean-François de TROY vers 1737 Sully 1er étage salle 74 C’est en cherchant à intervenir auprès d’Assuérus pour sauver les juifs de l’extermination qu’Esther, enfreignant l’interdiction de pénétrer dans le palais sans autorisation, s’évanouit. Le roi pose son sceptre sur le cou de son épouse en signe d’absolution
Alors que les Juifs étaient assujettis à la Syrie, le roi Antiochos IV mit tout en œuvre pour les helléniser, les forçant à adopter les coutumes et les divinités grecques. Pour lui aussi ce fut l’échec. Les juifs ne furent ni exterminés, ni assimilés : ils survécurent ; et avec eux survécurent les Ecritures hébraïques.
Sacrifice G 112 Sully 1er salle 39 vitrine 8 Ce plateau en céramique représente le sacrifice d’un porc. En 167 av.n.è. le roi de Syrie Antiochus IV Epiphane fit un sacrifice semblable sur un autel païen érigé par-dessus le grand autel du temple à Jérusalem et dédia ce temple à Zeus. Cette profanation provoqua un soulèvement des Juifs sous la conduite des Macchabées.
Les gardiens de la Parole, les Juifs puis les chrétiens, n’ont pas disparu, et avec eux le Livre a survécu.
« La Parole de YHWH demeure pour toujours » 1 Pierre 1:25
Les chrétiens, qui produisirent la deuxième partie de la Bible, aussi appelée le « Nouveau Testament », furent eux aussi opprimés. Sous le règne de , être chrétien devint un crime capital. Tacite parle ainsi des « tortures les plus raffinées » que cet empereur pervers infligea aux chrétiens. En 303 de n.è., l’empereur Dioclétien s’en prit directement à la Bible, espérant étouffer le christianisme en ordonnant que soient brûlées toutes les Bibles des chrétiens. Les pères de l’Eglise font de Néron le premier persécuteur des chrétiens. - Matthieu 24:9.
Néron MND 2050 Denon salle 24
Cinquième empereur de Rome, déclaré ennemi public par le Sénat, Néron se suicide à 31 ans en juin 68. C’est de Néron que l’apôtre Paul parle quand il comparait devant Festus. « Je me tiens devant le tribunal de César, où je dois être jugé. […] J’en appelle à César ! » (Actes 25:10, 21, note). Lors de son second emprisonnement à Rome l’apôtre laisse entendre que sa mort est imminente (2 Timothée 4:6-8). Il est probable que Paul souffrit le martyre peu après vers 66, sur l’ordre de l’empereur.
En 64 un immense incendie ravage Rome. Soucieux de mettre fin aux soupçons qui pèsent sur lui, Néron accuse les chrétiens d’être à l’origine de ce sinistre. Selon Tacite AR70, « pour anéantir la rumeur, il supposa des coupables, que la foule appelait ‘ chrétiens ’. On ne se contenta pas de les faire périr. Ils étaient attachés à des croix et quand le jour avait fui, ils éclairaient les ténèbres comme des torches ». Et pour Suétone : « On livra aux supplices les chrétiens, sorte de gens adonnés à une superstition nouvelle et dangereuse ». AR71
Toutes ces persécutions, ces tentatives de génocide, ont compromis la survie de la Bible. Mais fort heureusement, les gardiens de la Parole, les Juifs puis les chrétiens, ne disparurent pas, et avec eux le Livre survécut. Pour quelle raison ? Alors que tant d’autres œuvres littéraires qui n’ont pas dû affronter les mêmes difficultés sont tombées dans l’oubli. La Bible en donne l’explication. « La Parole de YHWH demeure pour toujours » (1 Pierre 1:25). Si la Bible est bien la Parole de Dieu, alors rien ne pourrait la détruire.