Un historique du nom divin, par Gérard Gertoux (1999)
L’écriture du nom de Dieu ne pose aucun problème : il s’agit du nom de quatre lettres YHWH appelé le Tétragramme. Comment prononcer un tel nom ?
Elément central du service religieux, le nom divin donne ici lieu à une intéressante étude sur ses origines et ses diverses facettes dans le judaïsme et le christianisme. Après un parcours historique d’Adam à nos jours, l’auteur explore les problèmes de transcription et de vocalisation. Les dictionnaires indiquent que Yahvé (ou Yahweh) est une vocalisation incertaine, et que Jéhovah est un barbarisme provenant d’une mauvaise lecture. Dans cet historique du nom divin, Gérard Gertoux, hébraïsant tétragrammiste, démontre preuves à l’appui, que cette dernière affirmation est délibérément fausse.
D’après le Talmud, l’interdiction de prononcer le Nom est apparue seulement au milieu du deuxième siècle de n.è (pge 103). La Bible hébraïque possède deux systèmes de vocalisation qui se chevauchent dans le temps. Un système de matres lectionis, le plus ancien, et le système des points-voyelles inventé par les Massorètes (page 123).
Hopital Cochin, cloitre, Paris 14 ème
Jusqu’en 70 de n.è, les grands prêtres juifs lisaient le jour du Yom Kippour la bénédiction de Chouraqui">Nombres 6:24 en prononçant YHWH selon ses lettres, c’est-à-dire comme il s’écrit. Josèphe, dans son ouvrage Les antiquités juives fait la remarque suivante : « Le grand prêtre avait la tête couverte d’une tiare de lin, entourée d’une couronne en or, qui portait en relief les lettres sacrées : ce sont quatre voyelles. »
Au lieu d’expliquer cette anomalie apparente, des commentateurs induisent en erreur le lecteur en indiquent en note que cette lecture était IAUE. Or, ces ‘ lettres sacrées ' désignaient le Tétragramme écrit en paléo-hébreu, et non en grec. AA8 La question de savoir quelles étaient les voyelles accompagnant les lettres YHWH serait un non sens, car les voyelles massorétiques ne sont apparues au plus tôt qu’au 6ème siècle de n.è. Avant cette période, les noms hébreux étaient vocalisés grâce aux trois lettres Y, W, H, comme les écrits de Qumrân l’ont confirmé (pg 10). Elles sont appelées « mères de lecture ». (pg 101, 123)
Dans le Catalogue de l'exposition (qui s'est tenue à Paris en 2010) sur les Manuscrits de la mer Morte, on lit à la page 58 ce commentaire sur le Grand Rouleau d'Isaïe :
Le texte n’étant pas encore vocalisé selon le système massorétique qui sera mis au point des siècles plus tard, les scribes ont souvent eu recours à des consommes hébraïques en leur donnant une valeur vocalique : la lettre waw peut-être lue ‘ou’ ou ‘o’ ; la lettre yod peut correspondre à ‘i’ ou ‘è’ ; ou encore la lettre hé à ‘a’ ou ‘è’. Qumrân, Le secret des manuscrits de la mer Morte BNF, 2010
Au premier siècle le Y en tant que voyelle servait uniquement pour indiquer les sons I et E, le W pour les sons O et OU, et le H final (mais jamais à l’intérieur d’un mot) pour le son A (GG pge 102).
Pour mieux entendre la lettre H, quasi inaudible, on pouvait lui adjoindre un e muet. Cette légère amélioration donne pour le nom YHWH la prononciation I-eH-Û-A (Iehoua), l’équivalent de la ponctuation massorétique YeHoWah.
Cette coïncidence est remarquable.
Eglise saint Germain-des-près, Paris 6ème
Eglise Saint Sulpice, Paris 6ème
Ces Tétragrammes présentent les points voyelles d’un substitut du nom de Dieu, Adonay. Vers le 6ème siècle, des érudits juifs ont conçu un système de points permettant d’indiquer quelles voyelles il fallait utiliser dans la lecture d’un texte hébreu ancien.
Puisque les voyelles sont a ,o, a, on aurait dû avoir le Nom pointé ainsi ; Or, comme le rappelle GG (page 124), on ne retrouve jamais cette forme. Des raisons grammaticales sont invoquées, mais sans fondement sérieux.
Les Massorètes ont simplement pointé le Tétragramme avec les voyelles e, a du mot SHeMa’ (expression araméenne signifiant Le Nom), obtenant la forme YeHWaH, pour indiquer qu’il fallait lire le Nom par Adonay, et non par Elohim.
Ainsi, pour Gérard Gertoux, la forme actuelle YeHoWah, que l’on trouve dans les Bibles juives, est le fruit d’une longue histoire. Par le plus grand des paradoxes, le système du queré/ketib, qui consiste à prononcer un mot à la place d’un autre, et qui était censé protéger le nom de Dieu, l’a réellement protégé (page 125).
Il faut cependant se rendre à l'évidence :
la prononciation originelle du nom de Dieu est inconnue ;
mais il faut aussi constater que les tentatives pour éliminer le nom de Dieu des versions modernes et le remplacer par des titres ou des substituts sont bien réelles.
Dans ce contexte, l'étude d'ensemble de Gérard Gertoux invite plus à une réflexion personnelle.
Une évidence :
la prononciation originelle du nom de Dieu est inconnue
Les tentatives pour éliminer
le nom de Dieu des versions modernes
sont bien réelles.
Dans la Bible, le seul personnage religieux qui refuse systématiquement d’utiliser le Nom est Satan le Diable. Dans le récit de la tentation (Matthieu 4:1-11), Jésus n’utilisa que le Nom, et Satan le titre anonyme « Dieu ». De quelle importance est l’emploi du nom personnel de Dieu pour le croyant ? La prière que Jésus Christ a donnée comme modèle commence de cette façon : « Notre Père dans les cieux, que ton nom soit sanctifié. » - Matthieu 6:9